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Forum TERATEC 2019  
 

Le NewSpace, aiguillon de l'Europe spatiale
The NewSpace, spearhead for European space industry

Jean-Yves Le Gall, Président du CNES

 

Vers un nouveau Business Model autour de la donnée spatiale

Parmi les multiples secteurs industriels, le spatial est soumis à un véritable bouleversement avec l’arrivée de nouveaux acteurs dont les principaux sont issus du développement d’internet. Un phénomène baptisé NewSpace qui aiguillonne les acteurs en place. Jean-Yves Le Gall, président du CNES, est venu expliquer comment l’Europe spatiale réagit pour rester aux avant-postes de cette industrie.

« Le NewSpace est souvent défini par 3 affirmations : l’apparition de l’innovation dans un domaine spatial dominé par des agences sclérosées par de grandes entreprises qui travaillent plus comme des arsenaux que comme des start-ups ; un financement privé, avisé et performant, au lieu et place d’un investissement public jugé dépassé et improductif ; le règne affirmé des start-ups de la Silicon Valley, qui suppléeraient les dinosaures de la vielle économie ».

Des affirmations qui sont loin de la vérité. « Depuis le début de la conquête spatiale à la fin des années 50, les différentes agences spatiales n’ont cessé d’innover pour relever la multitude de défis auxquels elles ont été confrontées. Et c’est toujours le cas puisqu’en novembre dernier la sonde InSight s’est posée sur Mars avec à son bord le sismographe français SEIS développé par le CNES pour sonder le cœur de cette planète. Peu de temps avant, le robot Mascot développé par le CNES et son homologue allemand le DLR, s’est posé sur l'astéroïde Ryugu. Des exemples qui rappellent que l’innovation est au spatial, ce que la recherche est pour la science, c’est-à-dire un moteur indispensable et que le NewSpace n’en a pas le monopole ».

Du côté de l’investissement privé, plus de 80 % du chiffre d’affaires de l’industrie spatiale provient de la commande publique, qu’il s’agisse des puissances spatiales affirmées ou de celles émergeantes de l’Inde, de la Chine, du Japon, de l’Australie ou des Emirats Arabes Unis.

« Enfin, le mythe des start-ups changeant le monde est battu en brèche par la réalité des chiffres. Selon les données statistiques américaines, les start-ups américaines représentent 3 % de l’emploi total de cette économie et détruisent autant d’emplois qu’elles en créent. Et force est de constater que si elles innovent fortement, elles s’associent à de grands groupes établis pour industrialiser et produire leurs innovations ».

On voit donc à travers ces trois aspects que l’on n’a pas attendu le NewSpace pour faire du spatial et que celui-ci ne change pas fondamentalement la donne. « Mais je n’ignore pas les évolutions en cours et entend pleinement profiter de l’élan du NewSpace. Il fait partie de la 4e révolution industrielle décrite depuis 15 ans, caractérisée par la numérisation de l’économie et la mondialisation avec l’apparition de nouveaux acteurs aux côtés des acteurs établis ».

La numérisation a notamment permis de miniaturiser les satellites et ainsi d’en réduire le coût de mise en orbite. Si le satellite d’observation de la terre Envisat, lancé par l’Agence spatiale européenne (ESA) en 2002, pesait 7 tonnes, aujourd’hui les satellites du programme Copernicus pesent 500 kg, en attendant l’arrivée prochaine de ‘‘nano-sat’’ de 50 à 100 kg. « Mais plus encore que la numérisation, ce qui compte et révolutionne notre industrie c’est la bonne donnée. Tant pour la télémédecine que pour le véhicule autonome, l’aménagement du territoire ou la gestion des ressources naturelles, la donnée spatiale donne un avantage compétitif décisif. D’une économie de l’offre (satellites et lanceurs) on évolue à grande vitesse vers une économie de la demande pilotée par la bonne donnée sur un marché rentable. Les satellites et lanceurs sont devenus des ‘‘utilities’’ pour la donnée. Galileo n’est plus une infrastructure de satellites, mais une offre de positionnement et de temporalité ».

Tout cela se fait dans un contexte de mondialisation, qui est une évolution structurante du secteur spatial. En 30 ans, on est passé de 4 agences spatiales (USA, URSS, Europe, Japon) à plus de 50. Le spatial est devenu un monde ultra-compétitif où finalement chacun se spécialise, apporte ses compétences et développe de nouveaux marchés.

Le but de la conquête spatiale est à terme de faire de l’homme une espèce multi-planète. S’il y a une forte probabilité que l’homme retourne sur la Lune dans la décennie 2020, il n’ira pas sur Mars avant la fin 2030 car il va falloir lui permettre de supporter un voyage, qui dans les conditions actuelles demande 2 ans.

Face à ces multiples évolutions, qui forment ce NewSpace définissant un nouveau Business Model autour de la donnée spatiale, comment les acteurs historiques comme le CNES vont devoir s’adapter ? « Nous allons apporter une réponse en 3 volets. Ils seront construits autour de notre excellence scientifique, autour d’une coopération internationale toujours plus active, et autour d’une intégration encore plus poussée de notre écosystème ».

Aujourd’hui un état ne peut plus financer seul les grandes missions scientifiques d’exploration et les systèmes orbitaux nécessaires. Ainsi, les USA proposent un gateway autour du système Terre-Lune, un partenariat public/privé mobilisant à la fois les partenaires historiques de la station spatiale internationale, sans doute l’Inde, peut-être la Chine et surtout les grandes entreprises mondiales. La France est le principal contributeur du budget de l’ESA et le CNES est aussi le partenaire de 5 autres grandes puissances spatiales : les USA pour le voyage sur la Lune ; la Chine autour de la science et l’astronomie ; l’Inde avec le climat et les vols habités ; le Japon autour de Mars et la Russie avec les lanceurs. « Ces partenariats nous apportent beaucoup en élargissant notre base scientifique et économique, tout en nous permettant en tant que spécialiste de participer à des missions particulièrement ambitieuses ».

Enfin, il va falloir une intégration encore plus poussée de l’écosystème spatial français autour du CNES pour maintenir l’excellence française, tant scientifique qu’industrielle. « A cet égard le CNES collabore avec plus de 100 start-ups et a su transférer un certain nombre de technologies, pour développer des activités aujourd’hui florissantes et créatrices d’emplois. Nous avons aussi des collaborations plus ciblées avec des Pôles de Compétitivité autour du numérique à Paris, de la santé à Lyon et nous sommes implantés directement au contact des start-up sur le Campus Station F. C’est aussi la création d’un fonds d’investissement destiné à soutenir l’innovation dans le spatial ».

« Il n’y a pas d’opposition entre le NewSpace et les Agences Spatiales en place, mais cette compétition mondiale nous oblige à nous réinventer et a continuer à innover, tout comme nous l’avons fait depuis 60 ans et le numérique est un atout pour cela ».

 

Towards a new Business Model around spatial data

Among the many focus sectors, space industry is undergoing a real upheaval with the arrival of new players, main ones coming from the development of the Internet. A phenomenon called NewSpace that spurs the actors in place. Jean-Yves Legal, President of CNES, came to explain how Space Europe is reacting to stay at the forefront of this industry.

"NewSpace is often defined by 3 statements: the emergence of innovation in a space domain ruled by sclerotic agencies, dominated by large companies that work more like arsenals than start-ups; private financing, wise and efficient, instead of public investment considered outdated and unproductive; the asserted reign of Silicon Valley start-ups which would replace the dinosaurs of the old economy".

Statements being far from the truth: "Since the beginning of the space conquest at the end of the 1950s, the various space agencies have been constantly innovating to meet the multitude of challenges they have faced. This is still the case since, last November the InSight probe landed on Mars with the French seismograph SEIS developed by CNES to probe the heart of this planet. Shortly before the Mascot robot developed by CNES and its German counterpart DLR, landed on the asteroid Ryugu. Examples that remind us that innovation is to space, what research is to science that is, an essential driving force and NewSpace does not have a monopoly on it."

On the side of private investment, more than 80% of the space industry's turnover comes from public procurement, whether from established or emerging space industrial powers in India, China, Japan, Australia or the United Arab Emirates.

" Finally, the myth of start-ups changing the world is undermined by the reality of numbers. According to US statistics, its national start-ups account for 3% of total employment in this economy and destroy as many jobs as they create. And it must be said that if they innovate strongly, they also join large established groups to industrialize and produce their innovations."

From these three perspectives, we can see that we did not wait for NewSpace to come to space and that it does not fundamentally change the situation. " But I am far from being unaware of the current developments and I intend to take full advantage of the momentum brought by NewSpace. It is part of the 4th industrial revolution described over the past 15 years, characterized by the digitization of the economy its globalization with emergence of new players alongside established ones. "

In particular, digitization has made it possible to miniaturize satellites and thus reduce the cost of putting them into orbit. While the Envisat earth observation satellite, launched by the European Space Agency (ESA) in 2002, weighed 7 tons, the Copernicus programme satellites weigh 500 kg today, waiting for the arrival of 50 to 100 kg of''nano-sat'' in the near future. " But even more than digitization, what counts and revolutionizes our industry is the right data. Whether for telemedicine, autonomous vehicles, territory development or natural resource management, spatial data gives a decisive competitive advantage. From a supply economy (satellites and launchers) we are moving at high speed towards a demand economy driven by the right data on a profitable market. Satellites and launchers have become utilities for data. Galileo is no longer a satellite infrastructure but a positioning and temporality offer. ”

All this being done in a context of globalization, a structuring evolution is under way for the space sector. In 30 years, we have gone from 4 space agencies (USA, USSR, Europe, Japan) to more than 50. Space has become an ultra-competitive world where everyone finally specializes, brings their skills and develops new markets.

The ultimate goal of the space conquest is to turn man into a multi-planet species. If there is a high probability that man will return on the Moon in the 2020s, he will not go to Mars until the end of 2030 because he will have to support a journey which requires 2 years, under the current conditions.

Faced with these multiple evolutions which form this NewSpace defining a new Business Model around spatial data, how will historical actors such as CNES have to adapt? " We will provide a three-part response. They will be built around our scientific excellence, around an ever more active international cooperation, and around an even deeper integration of our ecosystem. ”

Today, a state can no longer finance the major scientific exploration missions and the necessary orbital systems alone. Thus, the USA offers a gateway around the Earth-Moon system, a public/private partnership mobilizing both the historical partners of the international space station, probably India, perhaps China and especially the major global companies. France is the main contributor to ESA's budget, and CNES also being partner of 5 other major space powers: the USA for the trip to the Moon; China for science and astronomy; India for climate and manned flights; Japan around Mars and Russia for launchers. " These partnerships bring a lot to us by broadening our scientific and economic base, while allowing us to participate as specialists in particularly ambitious missions.”

Finally, the French space ecosystem around CNES will need to be further integrated to maintain French scientific and industrial excellence. " In this respect, CNES collaborates with more than 100 start-ups and has been able to transfer a number of technologies to develop activities that are now flourishing and creating jobs. We also have more targeted collaborations with Competitiveness Clusters around digital technology in Paris, health in Lyon and we are directly in contact with start-ups on Campus Station F. It is also the creation of an investment fund to support innovation in the space sector.

"There is no opposition between NewSpace and the existing Space Agencies, but this global competition forces us to reinvent ourselves and continue to innovate just as we have done for 60 years, and digital is an asset for that".

 

 
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