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Forum TERATEC 2019  
 

Simulation, IA, HPC :
L'innovation, fer de lance de l'autonomie stratégique de la France
Innovation, the spearhead of France's strategic autonomy

Emmanuel Chiva, Directeur de l'Agence de l'innovation de défense, Ministère des Armées

 

L’innovation, fer de lance de la défense française

C’est Emmanuel Chiva, directeur de l’Agence de l’Innovation de la Défense (ADI) au Ministère des Armées, qui a clos la session des plénières en expliquant comment la simulation, le HPC, et l’innovation font partie du fer de lance de l’autonomie stratégique de la France.

« Comme l’a dit la Ministre des Armées, innover est une question de survie. Effectivement ce n’est plus un choix mais une nécessité impérieuse, qui a été clairement identifiée dans la Loi de Programmation Militaire 2019/2025 pour garantir les finalités ultimes de notre politique de défense, c'est-à-dire la supériorité opérationnelle de nos forces et l’autonomie stratégique de la France, en restant dans le club très fermé des puissances militaires qui comptent dans le monde ».

Le monde change, avec une innovation civile qui n’a jamais été aussi rapide, dynamique et accessible. « A titre d’exemple, le constructeur chinois Huawei consacre chaque année 20 milliards de dollars à sa R&D, soit un plus de la moitié du budget du Ministère des Armées français. Et c’est 15 B$ pour Alphabet (Google) et 11 B$ pour Apple. Alors que par le passé c’est par exemple la conquête de l’espace, lancée en octobre 1957 avec le Spoutnik, et la lutte pour la suprématie technologie entre les USA et la Russie qui s’en est suivi, qui a tiré l’innovation civile et militaire pour des décennies. Aujourd’hui, il se lance des milliers de ‘‘Spoutnik virtuels’’ tous les jours, tant par des états que par des industriels transnationaux, voire des investisseurs attirés par les retombées économiques espérées ».

Il faut donc tenir compte de ces signaux forts en termes d’innovation et tirer parti de ces avancées. « Nous devons capter cette innovation civile qui nous offre de remarquables opportunités avec néanmoins le risque du nivellement, car elles sont aussi disponibles pour nos adversaires. On trouve ainsi dans la bande sahélo saharienne des imprimantes 3D produisant des armes et des mines, ou des essaims de drones civils qui attaquent des bases russes au Moyen-Orient. Sans oublier les biotechnologies, la cyber-sécurité, l’intelligence artificielle et le HPC devenu facilement accessible à des groupes terroristes. Il faut donc innover autour de nos propres enjeux pour garantir notre indépendance et maintenir un tissu industriel et technologique de défense sur le long terme ».

Plusieurs démarches ont été engagées dont la modernisation de la Délégation générale à l’Armement (DGA) avec la création de l’Agence de l’Innovation de Défense dotée d’un budget annuel de 1,2 milliard d’Euros. Elle s’intéresse à tous les types d’innovations qu’il s’agisse de capter l’innovation civile, de préparer nos futurs systèmes d’armes ou de financer la recherche fondamentale. C’est un point de contact unique pour tous les innovateurs souhaitant travailler avec le Ministère des Armées.

Le premier travail de cette agence a été d’écrire un Document d’orientation de l’innovation de défense (DOID), qui décrit les objectifs à atteindre et les mécanismes qui permettront d’y parvenir. « La première des composantes du DOID, c’est détecter et capter l’innovation, car le déplacement vers le civil du centre de gravité du développement des technologies, notamment dans le domaine numérique, nous impose de développer une stratégie qui vise à améliorer leur détection et leur captation en fonction de nos besoins. Ce sera fait à travers une cellule d’innovation ouverte qui participe à de multiples événements comme le CES de Las Vegas, VivaTech ou le Forum Teratec. Nous mettons aussi en place un réseau de ‘‘capteurs’’ et de référents pour compléter cette cellule ».

Autre élément l’Innovation Défense Lab, qui n’a pas pour vocation de remplacer les multiples Laboratoires existants au sein de l’écosystème du Ministère des Armées, mais de fédérer leurs travaux. Il est en cours de complément avec un système de maillage national de l’innovation, s’appuyant sur les clusters de la direction technique de la DGA et les centres d’expérimentation des armées. Enfin, l’Agence pilote aussi quatre opérateurs historiques : l’Onera ; l’Institut de Saint-Louis ; ainsi que les recherches duales du CNES et du CEA.

« La deuxième grande composante du DOID c’est susciter et orienter, en affichant de manière relativement transparente nos centres d’intérêt, nos besoins majeurs et en ayant une politique d’intervention active en finançant des projets par le biais d’appels thématiques ou d’acquisition d’études sur un certain nombre de spécifications pour diriger les efforts. On y retrouve les grandes thématiques : le système de combat aérien futur (SCAF) ; le porte-avions de nouvelle génération ; le char de combat du futur (Main Ground Combat System – MGCS) et puis le spatial, l’Intelligence Artificielle et le quantique ».

Le quantique est un sujet de rupture pour les capteurs, la cryptographie, le matériel et les logiciels, a tel point qu’une mission interministérielle a été mise en place pour déboucher sur une stratégie interministérielle avec au premier plan un volet défense.

« Nous souhaitons enrichir notre contribution à la recherche académique dans ce domaine, c'est-à-dire disposer d’un portefeuille d’actions de recherches scientifiques et techniques équilibré, qui inclut la DeepTech sur des sujets à très faible maturité, porteurs de rupture, comme le fait la Darpa américaine, sans qu’il y ait pour le moment de débouchés militaires envisagés. Car le meilleur moyen de prévenir la surprise stratégique, c’est de la créer avant les autres ! »

Pour cela, l’AID va renforcer l’efficacité des instruments de soutien à la recherche académique, utiliser les établissements publics de recherche et tenir compte du foisonnement de start-up en raisonnant comme un investisseur pour savoir lesquelles accompagner. « Mais attention, il ne faut pas confondre innovation et ‘‘start-upisation’’, car ce n’est pas leur apanage. L’innovation est partout dans les grands groupes, les ETI, les PME, les laboratoires de recherche, et c’est tant mieux car le taux moyen de survie d’une start-up à 5 ans c’est 58 %. Et c’est beaucoup plus faible dans le monde de la défense ! Il faut donc prendre en compte l’ensemble du paysage de l’innovation et profiter de ce darwinisme en détectant et en accompagnant les sociétés que l’on considère comme critique et aptes à survivre. Pour cela, nous allons donc lancer un appel à partenariats auprès des incubateurs et des financeurs, afin de travailler ensemble pour valoriser les différents leviers à notre disposition pour développer cette activité d’innovation ».

Dernière composante du DOID, exécuter, accélérer, passer à l’échelle et mettre en service. « Ca veux dire qu’il faut aller vite et accepter l’échec, ce qui est très nouveau dans la culture du ministère. Pour cela, il faut sélectionner et labelliser des projets, puis les accélérer grâce à la synergie de tous nos moyens, pour aller le plus vite possible pour intégrer l’innovation dans des programmes d’armement à longue durée de vie, via des architectures ouvertes. Nous allons aussi renforcer les coopérations internationales car finalement la France est regardée avec beaucoup d’intérêt dans des domaines tels que la science, les mathématiques, le numérique, le calcul ».

Dans ce contexte, les domaines de la simulation et du HPC sont centraux, au moment ou une nouvelle stratégie en termes d’Intelligence Artificielle est lancée sous l’impulsion du Ministère des Armées. « C’est le moyen d’assurer la crédibilité de notre dissuasion. Ce sont des domaines d’excellence de l’écosystème français de l’innovation, par essence dual dont les retombées économiques vont profiter aussi bien à l’industrie de la simulation et du calcul qu’au domaine de la défense. En termes d’IA, la vraie rupture c’est qu’aujourd’hui cela fonctionne. Les algorithmes sont connus depuis un certain temps, mais c’est la convergence entre la disponibilité de données massives, les algorithmes et une capacité de calcul permettant de les utiliser à leur pleine puissance, qui permet de parler de rupture. L’annonce récente par la Ministre de notre stratégie en la matière va se traduire par l’hébergement au sein de l’AID d’un directeur de projet IA au niveau ministériel, et d’une équipe de coordination des efforts en IA qui va se traduire par l’embauche d’environ 200 spécialistes avec environ 100 M€ par an de budget de fonctionnement ».

Un certain nombre d’actions sont déjà lancées tel le projet Artemis dont l’objectif est de fournir un démonstrateur de plate-forme sécurisée distribuée d’Intelligence Artificielle pour les besoins spécifiques des armées ou le projet Man Machine Teaming (MMT) où, dans le cadre de la définition du système aérien de combat du futur, on permet au pilote de dialoguer avec l’Intelligence Artificielle du cockpit du futur. Un système aérien cognitif qui associe industriels, laboratoires, start-up et PME.

L’AID a aussi lancé début 2019 une vague de projets accélérés sur quatre sous-thématiques en IA. 160 propositions ont été reçues en un mois, 8 projets ont été retenus et financés.

« Grâce à cette stratégie ambitieuse, avec le concours des écoles telles Polytechnique, et par une politique volontariste, la France compte bien restée une puissance scientifique et militaire de premier rang. Bien évidement, compte tenu de la montée en puissance de l’AID, tout cela ne va pas donner des résultats immédiats, mais mon obsession aujourd’hui est de passer d’une logique de professions de foi aux premiers résultats tangibles, qui seront sans doute liés aux thématiques qui sont abordées lors de ce Forum, car l’Intelligence Artificielle, la simulation et le HPC sont des domaines d’excellence français. Ce n’est pas un hasard si la France est le deuxième pays en termes de médaillés Fields. Ce n’est pas un hasard si nous rassemblons aujourd’hui au sein de ce Forum une communauté de chercheurs, d’entrepreneurs, d’innovateurs, reflets du dynamisme de ce secteur en France ».

« Nous comptons sur vous tous pour nous aider à maintenir notre supériorité opérationnelle, notre autonomie stratégique et notre compétitivité économique. Sachez que l’AID se tient à vos côtés pour oser, imaginer et accélérer notre innovation au profit de tous ceux qui œuvrent pour notre défense et notre sécurité, pour le succès des armes de la France ».

 

Innovation, the spearhead of French defence

Emmanuel Chiva, Director of the Defence Innovation Agency (AID) at the Ministry of the Armed Forces, closed the plenary session by explaining how simulation, HPC, and innovation are being part of the spearhead of France's strategic autonomy.

"As the Minister of the Armed Forces said, innovation is a matter of survival. It is no longer a choice indeed, but an imperative necessity of upmost importance which has been clearly identified in the Military Programming Law 2019/2025 to guarantee the ultimate goals of our defence policy, i. e. with operational superiority of our forces and the strategic autonomy of France, by remaining in the very closed circle of military powers that count in the world."

The world is changing, with civil innovation that has never been so fast, dynamic and accessible. "For example, the Chinese manufacturer Huawei spends 20 billion dollars each year on R&D which is more than half of the budget of the French Ministry of the Armed Forces. And same is true, with 15 billion dollars for Alphabet (Google) and 11billion dollars for Apple. For example in the past, Space conquest launched in October 1957 with Sputnik, and the ensuing struggle for technological supremacy between the United States and Russia was what drove civil and military innovation for decades. Today, thousands of virtual Sputnik satellites are being launched every day, both by states and transnational industrialists or investors even attracted by the expected economic benefits.”

These strong signals in terms of innovation must therefore be taken into account and these advances must be exploited. "We must seize this civil innovation which offers us remarkable opportunities, running the risk of levelling because they are also available to our opponents. In the Sahel-Saharan strip, for example, there are 3D printers producing weapons and mines, or swarms of civilian drones attacking Russian bases in the Middle East. Not to mention biotechnology, cyber security, artificial intelligence, and HPC becoming easily accessible to terrorist groups. We must therefore innovate, moving around our own challenges to guarantee our independence and maintain our defence industrial and technological framework in the long term.

Several steps have been taken, including the modernization of the Délégation générale à l'Armement (DGA) with the creation of the Agence de l'Innovation de Défense with an annual budget of €1.2 billion. It invests in all types of innovations, from capturing civil innovation, to preparing our future weapons systems and funding fundamental research. It is now a single focus contact point for all innovators wishing to work with the Ministry of the Armed Forces.

This agency started with writing a Defence Innovation Guidance Document (DOID) which describes the objectives to be achieved and all mechanisms involved to support them. "The first component of DOID is to detect and capture innovation, because the shift of the gravity center of technology development towards civil market, particularly in the digital domain, requires a strategy that aims to improve their detection and acquisition closely fitting our needs. This will be done through an open innovation cell that contributes to multiple events such as the CES in Las Vegas, VivaTech or the Teratec Forum. We are also setting up a network of ''sensors'' and references to complete this cell.”

Another element is the Innovation Défense Lab which is not intended to replace the many existing laboratories within the Ministry of the Armed Forces ecosystem but to federate their work. It is currently being complemented by a national innovation meshing system, based on the clusters of the DGA's technical department and the Army's experimental centers. Finally, the Agency also manages four incumbent operators: Onera; the Institut de Saint-Louis; and the dual research bodies of CNES and CEA.

"The second major component of DOID is to stimulate and guide by displaying our main areas of interest and major needs in a relatively transparent way, and by having an active intervention policy by funding projects through thematic calls or by acquiring studies on a number of specifications in order to guide efforts. The main themes are: the future air combat system (SCAF); the new generation aircraft carrier; the Main Ground Combat System (MGCS) and then Space, Artificial Intelligence and Quantum.”

Quantum is a subject of rupture for sensors, cryptography, hardware and software, to such an extent that an inter-ministerial mission has been set up to lead to an inter-ministerial strategy with a defence component in the foreground.

"We wish to enrich our contribution to academic research in this field, i.e. to have a balanced portfolio of scientific and technical research actions which includes DeepTech on subjects of very low maturity level yet of promising breakthroughs, as does the American Darpa, without there being any military outlets in sight at the moment. Because the best way to prevent strategic surprise is to create it before others do!

To this end, AID will strengthen the effectiveness of instruments to support academic research, use public research institutions and take into account the proliferation of start-ups, reasoning like an investor to know which ones to better sustain. "Beware though, as innovation should not be confused with “ever present start-ups'', because it is not their prerogative. Innovation is everywhere in large groups, IT companies, SMEs, research laboratories. And that is good, taking into account the average survival rate of 58% for a start-up over 5 years’ time. And it's much weaker in the defense world! We must therefore take into account the entire innovation landscape and take advantage of this Darwinian approach, by detecting and supporting societies that are considered critical and able to survive. To this end, we will therefore launch a call for partnerships with incubators and funders in order to work together to promote the various levers at our disposal to develop this critical innovation activity.”

Last component of the DOID, execute, accelerate, scale up and commission. "It means going fast and accepting failure which is very new in the culture of our department. To do this, it is necessary to select and label projects, then accelerate thanks to the synergy of all our resources in order to move as quickly as possible to integrate innovation into long-lasting weapons programs via open architectures. We will also strengthen international cooperation because France is finally being looked at with great interest in areas such as science, mathematics, digital technology and calculation.”
In this context, the fields of simulation and HPC are central at a time when a new strategy for Artificial Intelligence is being launched under the impetus of the Ministry of the Armed Forces. "This is the way to ensure the credibility of our deterrence. These are areas of excellence in the French innovation ecosystem which is essentially dual in nature and whose economic benefits will have impact on Simulation both within the computing industry and the defence sector. In terms of AI, the real breakthrough is that today it works. Algorithms have been known for some time but the convergence between the availability of massive data, algorithms and a computing capacity to use them at their full power makes it possible to speak of a breakthrough. The recent announcement of our strategy by the Minister in this area will result within IDA in hosting of an AI project manager at ministerial level, and an AI coordination team that will result in the hiring of approximately 200 specialists with an operating budget of approximately €100 million per year.”

A number of actions have already been launched, such as the Artemis project, the objective of which is to provide a demonstrator for a secure distributed Artificial Intelligence platform for the specific needs of the armed forces, or the Man Machine Teaming (MMT) project where, as part of the definition of the air combat system of the future, the pilot is allowed to interact with the Artificial Intelligence of the cockpit of the future. A cognitive air-system herewith brings together industrialists, laboratories, start-ups and SMEs.

AID also launched a wave of accelerated projects on four AI sub-themes in early 2019. 160 proposals were received in one month, 8 projects were selected and funded.

"Thanks to this ambitious strategy, with the support of schools such as Polytechnique and a proactive policy, France intends to remain a leading scientific and military power. Obviously, given the rise of the AID, all this will not give rise to immediate results but my obsession today is to move from logic of profession of faith to first tangible results. Undoubtedly linked to the themes that are addressed at this Forum, Artificial Intelligence, Simulation and HPC are areas of French excellence. It is no coincidence that France is the second country in terms of Fields medalists. It is also no coincidence that we are now bringing together in this Forum a community of researchers, entrepreneurs and innovators, reflecting the dynamism of this sector in France.”

"We are counting on all of you to help us maintain our operational superiority, strategic autonomy and economic competitiveness. I would like you to know that AID stands by your side to dare, imagine and accelerate our innovation for the benefit of all those who work for our defence and security, for the success of France's weapons.”

 


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